Thaïlande et Malaisie - Bornéo 2008

 
     

 

 

Thaïlande

 

Mercredi 12 mars

Départ de Sologne en taxi à 16 heures. La tempête des derniers jours s’est calmée et il fait assez beau. Quelques embouteillages en arrivant en région parisienne, mais je rate le meilleur : je dors. Quand je me réveille, c’est fini. Nous sommes sur le périphérique et la circulation est fluide.

 

 

 

À Roissy, tout est calme. L’enregistrement s’effectue sans encombre. Pas de problème pour les bagages à main. À la douane, idem, tout le monde est très sympa et décontracté.

L’avion décolle comme prévu à 22 heures. Première étape : Abu Dhabi. À peine six heures de vol. D’ailleurs, avec la compagnie Etihad, même en classe économique le personnel est aux petits soins.

Après la prière traditionnelle et l’annonce du commandant de bord, les réacteurs se mettent à rugir. C’est le moment que je préfère, quand la poussée vous colle au siège. On regarde défiler le paysage et d’un seul coup, il faut baisser les yeux. On est déjà à cinq cents mètres d’altitude.

Cerise sur le gâteau, nous avons droit à un survol de Paris. Ce n’est pas une première, mais aujourd’hui, le ciel est bien dégagé et l’atmosphère particulièrement pure après ces quelques jours de tempête. La tour Eiffel clignote au milieu de la toile d’araignée dorée des rues parisiennes. J’ai beau ne pas être très fan de Paris, je confesse que le spectacle ne laisse pas insensible.

Pendant le vol, nous regardons deux films à la suite, ce qui nous amène à une heure du matin. Il reste alors un peu moins de deux heures avant d’atterrir à Abu Dhabi.

 

 

 

Jeudi 13 mars

Nous nous posons à Abu Dhabi au lever du soleil. Avec le décalage horaire, la nuit a été amputée de trois heures. Tous les passagers semblent accuser le coup. Les regards sont... hagards.

Direction espace fumeur pour refaire le plein de nicotine avant d’aller boire un thé. L’heure et demie d’attente s’écoule assez vite. Il faut dire que l’aérogare d’Abu Dhabi est particulièrement agréable, du moins à cette époque. On a l’impression d’être à l’intérieur d’un gros champignon. Depuis, l'aéroport a hélas été entièrement refait et c'est maintenant un énorme truc anonyme, tout en longueur et peu pratique. Pour le moment, nous n’avons qu’une hâte : remonter dans l’avion pour dormir !

Le décollage a lieu à l’heure prévue. On nous a attribué des places tout à l’arrière de l’avion, mais nous constatons avec plaisir qu’il y a très peu de passagers. Du coup, tout le monde s’empresse de monopoliser une rangée entière pour s’allonger. Le pied !

Je prends quelques photos des constructions et des routes après le décollage. On a l’impression que les urbanistes ont passé pas mal de temps à jouer à Sim City. Ce ne sont que vastes chantiers, lotissements en damier, ronds-points et autres croisements d’autoroutes en plein désert. Surréaliste. Malgré la fatigue de plus en plus insistante, je me force à rester éveillé le temps de survoler la chaîne de montagnes à l’aspect particulièrement désolé qui sépare le Golfe Persique du désert d’Arabie

 

 

 

Lorsque l’hôtesse passe avec le déjeuner, les trois quarts des passagers sont déjà endormis.

Pendant le vol, on nous réveille à une ou deux reprises. Il faut relever les sièges et attacher les ceintures parce que nous traversons une zone de turbulences. Heureusement, ça ne dure pas et nous pouvons nous rendormir aussitôt.

Je me réveille une petite heure avant d’arriver à Bangkok. Nous survolons le sud de la Birmanie. Le ciel est bien dégagé et je peux admirer à loisir les méandres du fleuve. Ensuite, nous traversons la baie de Rangoon avant de nous retrouver au-dessus de la Thaïlande, où le temps est très nuageux.

C'est enfin l'atterrissage à l’aéroport de Suwarnabhumi. La nuit est en train de tomber et le ciel très nuageux donne l’impression qu’en réalité nous venons d’atterrir à Paris. Cinq cents mètres de couloirs et de tapis roulants nous amènent à la douane. Ça fait du bien de marcher un peu. Les formalités sont vite expédiées. Ici, on est efficace.

À peine franchies les portes vitrées conduisant à l’extérieur, on est dans l’ambiance. Le contraste entre la fraîcheur relative à l’intérieur de l’aéroport et la chaleur moite de l’extérieur est stupéfiant. On a beau être habitué, on se fait avoir à chaque fois.

Une petite clope - aaaaah, ça va déjà mieux – et on saute dans un taxi. Les trente kilomètres qui nous séparent du centre sont parcourus assez vite. Je craignais des embouteillages, mais ce n’est finalement pas le cas. Évidemment, en arrivant à l’hôtel, le chauffeur nous demande plus que ce qui est indiqué au compteur. Discussion un peu vive, le portier de l’hôtel servant d’interprète. Enfin, tout se termine dans la rigolade et des tapes sur l’épaule.

Nous sommes heureux de nous retrouver au cœur de China Town. Cette fois-ci, nous sommes descendus au Grand China Princess. Nous serions volontiers retournés au Shanghai Inn, mais ils ont donné un sérieux coup de pouce à leurs prix. Pas grave, le Grand China est très bien aussi. Surtout, il est en plein cœur de China Town, et au dix-septième étage, c’est très calme. Dans le quartier, on trouve tout à profusion, mais un produit fait cruellement défaut : le silence.

 

 

 

Après la douche, nous ressortons pour une petite immersion dînatoire dans le quartier. La nuit est tombée, mais il fait encore très largement trente degrés. L’air est un peu moite, ce qui fait ressortir les odeurs de cuisine des multiples gargotes et restaurants chinois. Il est encore un peu tôt. Les magasins ouverts pendant la journée ont fermé et on est à cette heure un peu incertaine où il semble se tramer quelque chose... En tout cas, on s’active de toutes parts. Sans doute les locaux trouvent-ils qu’il ne fait pas assez chaud : des dizaines de réchauds sont installés sur les trottoirs, où on prépare toutes sortes de plats. De temps en temps, les narines et les yeux se mettent à piquer, indice de spécialités explosives. Plus loin, une odeur plus... moins... enfin, plus, euh comment dire... Si vous avez déjà goûté des durians, vous savez ce que je veux dire. Si ce n’est pas le cas, bouchez-vous les narines et goûtez. Vous aurez appris qu’il ne faut jamais se fier aux apparences. Tout ça sur fond de karaoké chinois et de pétarade des tuk-tuks. Enfin, nous allons dîner dans un restaurant... chinois d’une petite rue du quartier.

 

 

 

Vendredi 14 mars

Dix heures de sommeil! Il y a bien longtemps que ça n’était plus arrivé.

Petit-déjeuner sur la terrasse. C’est le seul endroit de l’hôtel où on peut cloper. Ici aussi, le politiquement correct fait rage. Les MacDo et les téléphones portables continuent à faire leurs dégâts, visibles ou invisibles, mais la clope, c’est caca boudin. Bref, après le petit dèj’, petite séance de shopping pour Marielle. J’en profite pour faire quelques photos dans la rue. Des photos du quartier, j’en ai déjà des centaines, mais je me fais quand même toujours happer par la magie de Chinatown !

 

 

 

Après déjeuner, direction Sukhumvit, où je compte acheter un micro externe pour mon caméscope. Je voulais le commander en France, mais j’ai été tellement pris par le boulot les jours précédant le départ que je n’ai pas eu le temps. Finalement, on se retrouve à passer l’après-midi dans des centres commerciaux grands comme la moitié de la Belgique, mais avec plusieurs étages. A l’intérieur, pas un microbe n’ose pointer le bout de son nez, il fait frais et on oublie complètement qu’on est sous les tropiques. Univers totalement aseptisé, consommation à outrance, déluge d’écrans plats, téléphones portables, fringues de marque... En plus, c’est plein de touristes blancs comme des cachets d’aspirine.

De renseignement bidon en renseignement bidon, je commence à en avoir plein les bottes. Tant pis, le micro attendra. Direction, la sortie. Sukhumvit, ça me fait penser à un univers de SF : tout en bas, la rue avec ses six ou huit voies de circulation. Une chaleur insoutenable à cause de la climatisation des voitures et de la pollution aérienne. Au-dessus de la rue, la voie du métro aérien à la hauteur du quatrième étage et, entre les deux, une passerelle suspendue reliant le métro et les centres commerciaux. Il ne fait pas vraiment bon y flâner, dans la rue. Tout au fond du canyon, l’air est irrespirable et il n’est pas question de tenir une conversation tellement c’est bruyant.

Quitte à subir le bruit, je préfère cent fois China Town. Là, au moins, ce n’est pas aseptisé; c’est la vraie vie. Les tropiques. L’Asie. Si vous vous baladez dans les ruelles à trois heures du matin, vous trouvez constamment des gens en train de travailler : des livreurs poussant des diables chargés de cartons, des boutiques ouvertes toute la nuit, des arrière-cuisines où on prépare les légumes pour le lendemain matin, des balayeurs... C’est vi-vant.

Après une après-midi dans les temples de la consommation et de la climatisation, il est temps de retrouver la réalité. Nous prenons donc le métro aérien pour le terminus de Sapan Taksin et, de là, une navette remontant la Chao Phraya jusqu’à China Town. La nuit vient de tomber et les bateaux à toutous, facilement reconnaissables aux guirlandes de leur toit évoquant une maison traditionnelle commencent leur va-et-vient.

 

 
 

 

 

 

 

Retour à l’hôtel et dîner dans le quartier. Je voulais acheter des VCD de karaoké chinois, mais avec le décalage horaire, je ne me suis pas rendu compte qu’il était déjà trop tard. Tant pis, ce sera pour demain.

Samedi 15 mars

Réveil vers neuf heures. Nouvelle séance shopping en vitesse pour réparer un oubli de la veille, puis direction le Grand Palais. Du Grand China, nous ne sommes qu’à dix minutes à pied de l’embarcadère. Un réaménagement des berges est apparemment en cours. Nous observons un moment un grutier manœuvrer pour placer le palan sur une barre de profilé en acier avant de l’enfoncer par martèlement. Il fait pivoter la grue au-dessus des passagers qui descendent justement d’une navette. On ne se soucie guère des normes de sécurité...

 

 

 

Des remorqueurs tractent péniblement des barges remontant le fleuve. Toujours impressionnant. Même à vide, cela doit représenter quelques centaines de tonnes. Les embarcations appelées longtails (longues queues) à cause de leur moteur fixé au bout d’une perche de quelques mètres à l’arrière vont et viennent sur la Chao Phraya avec leur cargaison de touristes.

Dix minutes plus tard, nous arrivons au débarcadère n°8. Des coups de sifflet stridents nous déchirent les oreilles : le type à l’arrière du bateau indique au pilote les manœuvres à effectuer. Nous enjambons les pneus suspendus au quai pour amortir les chocs. Le quai flottant tangue. La passerelle conduisant à la terre ferme a deux couloirs de circulation, mais bien entendu personne ne sait s’il faut prendre à gauche ou à droite. C’est la cohue. La foule est hétéroclite, mais l’uniforme de rigueur : écolières thaïlandaises en jupe noire et chemisier blanc, touristes retraités en beige et blanc, bonzes en orange...

À peine débarqués, il faut se faufiler entre les touristes, les rabatteurs qui proposent des promenades inoubliables en longtail et les étals des marchands de souvenirs.

Nous empruntons la rue qui conduit à l’entrée du palais. La sœur du roi est décédée il y a peu, et tous les vendeurs et autres Thaïlandais travaillant dans le tourisme sont encore habillés en noir.

Je suis bien content d’avoir pris mes lunettes de soleil. Ça permet de prendre un air indifférent bien utile pour ne pas se faire harceler par les tuk-tuks. Quand on s’est fait avoir une fois ou deux, on les évite comme la peste. Certes, se déplacer en tuk-tuk c’est plutôt agréable et rapide, mais ils sont décidément trop arnaqueurs. Aux abords des temples et autres lieux touristiques, la combine classique consiste à dire aux étrangers que c’est fermé aujourd’hui pour telle ou telle raison et de proposer gentiment de vous emmener visiter un ou deux autres temples qui, eux sont gratuits (pourquoi ? Ils sont payants d’habitude ?). Au passage, bien entendu, ils ne manquent pas de suggérer un arrêt dans une boutique où vous pouvez trouver de l’artisanat, des fringues, de l’électronique, etc. pour un prix intéressant...

En tout cas, aujourd’hui, ce n’est pas mon jour. Je suis sorti de l’hôtel avec le caméscope et le pied pour acheter une sangle et j’ai eu la flemme de remonter à la chambre le déposer. Du coup, à l’entrée du palais, je me fais refouler : les caméscopes professionnels ne sont pas autorisés. Le pire, c’est que je n’avais même pas l’intention de filmer, il y avait bien trop de monde. Et puis l’endroit se prête beaucoup mieux à la photo. Et des photos du grand palais, j’en ai déjà des centaines.

 

 

 

Alors nous décidons de passer le reste de la journée à faire ce que nous préférons : flâner au hasard dans les rues. Après avoir déjeuné d’un plat de nouilles à l’embarcadère – enfin, moi, parce que Marielle a trouvé ça beaucoup trop épicé –, nous reprenons la navette en sens inverse jusqu’à China Town. De la fenêtre de notre chambre, nous avons repéré un temple que nous ne connaissions pas. Il faut dire qu’ici, des temples, il y en a tous les deux cents mètres. Un panneau nous indique qu’il s’agit du Wat Chakhawat, que je m’empresse de rebaptiser finement le « chat cravate ». Ledit Chat cravate s’avère relativement décevant. En revanche, comme il est en plein milieu d’un pâté de maisons, il y règne un calme relatif bien agréable. De grands arbres entourent les bâtiments et on pourrait aussi bien se trouver à la campagne.

Retour à l’hôtel pour déposer le caméscope et prendre l’appareil photo. Nous en profitons pour monter à la piscine, au vingt-troisième étage. De la terrasse, on a une vue splendide sur toute la ville. Quelques Européens sont allongés au soleil en maillot de bain, la cuisson réglée sur feu vif.

Nous traversons une nouvelle fois China Town. C’est samedi après-midi et, en principe, plus calme. En principe. Dix mètres sur le trottoir. Un bouchon. On descend du trottoir pour avancer un peu plus vite. Vingt mètres plus loin, il faut y remonter à cause des stands de marrons chauds et autres cantines ambulantes. Les éviter nécessiterait un détour trop large et on risquerait alors de se faire renverser par un tuk-tuk ou une voiture. La température avoisine les quarante degrés. On ne voit guère de touristes blancs à cette heure.

Nous traversons China Town par les ruelles jusqu’à Bobbae Market. Nous sommes en fin d’après-midi et les boutiquiers commencent à ranger avant la fermeture. Profitant de la lumière du soleil déclinant, nous nous sommes arrêtés sur un petit pont pour prendre quelques photos du canal. Deux jeunes nous font de grands gestes. Nous finissons par comprendre : ils nous montrent un varan d’un bon mètre cinquante de long sur la berge opposée.

Nous revenons en passant par les ruelles parallèles à l’avenue qui longe le canal. En fait, c’est une mosquée qui a attiré notre attention. Autour, plusieurs maisons en bois se pressent les unes contre les autres. Pour un peu, on se croirait en Malaisie. D’ailleurs, la population du quartier semble majoritairement musulmane.

À mesure que nous approchons de Thanon Charoen, nous découvrons que les trottoirs se sont transformés en vaste marché aux puces, version vingt-et-unième siècle, puisqu’on y trouve non seulement l’habituel bric-à-brac de ce genre d’endroit, mais aussi des coques fantaisie pour téléphones portables, des circuits imprimés, des clés USB, etc. Il nous faut une bonne heure pour traverser le quartier alors qu’à l’aller, dix minutes avaient suffi. Les boutiques de China Town avaient à peine baissé le rideau que les étals de Thanon Charoen prenaient le relais.

 

 
 

 

Après dîner, dernier petit tour dans le quartier pour acheter des VCD de karaoké chinois. Ne connaissant pas les stars du moment, je cède mon tour à un couple. Derrière le stand trône un téléviseur, tandis que des enceintes de part et d’autre déversent les décibels en quantité suffisante pour tenir la moitié de Bangkok éveillée. Enfin, ce stand n’est pas le seul, puisque deux ou trois rues plus loin, ils sont trois ou quatre à s’affronter. Le couple négocie ferme et repart finalement avec quatre VCD pour quatre cents bahts, soit huit euros. Pour ma part, je ne prends que trois VCD, mais le vendeur me fait une ristourne sans que j’aie cherché à marchander


Dimanche 16 mars

Dernier jour à Bangkok avant d’aller en Malaisie. Et deuxième jour de shopping. Outre le plaisir de revoir China Town, nous étions aussi venus ici pour acheter quelques fringues et un peu d’encens.

Notre mission d’aujourd’hui, si nous l’acceptons, consistera donc à nous rendre au marché de Chatuchak, parfois aussi transcrit Jatujak et ses variantes. Chatuchak, c’est du lourd : un demi-million de personnes s’y pressent chaque week-end. C’est un immense marché de l’artisanat où le plus difficile est de ne pas trouver ce qu’on cherche. Bon, d’accord, pour un Airbus A 380, je ne dis pas que c’est gagné d’avance, mais allez savoir.

 

 

 

Autre petite chose à savoir : si vous êtes un homme, prévoyez quelques séances de musculation avant d’y aller. Vu tout ce que votre compagne vous demandera gentiment de porter au retour après vous avoir prodigué toute la journée des marques d’affection qui laissent rêveur, ce ne sera pas de trop.

 

 

 

Du Grand China Princess, il nous faut traverser tout China Town pour prendre le métro à la gare de Hua Lampong. Ce dimanche matin, c’est plutôt calme. Peu d’étals et peu de circulation. Sur les trottoirs, c’est fluide aussi. En tout cas, aucun bouchon n’est signalé. On fait un bon six kilomètres à l’heure, en marchant à l’ombre quand on en trouve. À l’ombre, justement, il fait dans les trente-sept ou trente-huit degrés.

De Hua Lampong, ce n’est pas compliqué. On prend le métro souterrain, le MRT, jusqu’à la station Mo Chit. Après être passé devant le coin où « trônent » les fauteuils où Sa Majesté le roi de Thaïlande et sa suite ont dû assister à la cérémonie d’inauguration, on arrive aux distributeurs. 39 bahts, soit € 0,80. Moins cher et au moins aussi rapide que le taxi. En bas de l’escalator, un panneau rappelle tout ce qui est interdit : fumer, s’asseoir, manger, boire, faire des photos, filmer, etc.

 

 

 

La climatisation nous saisit lorsque nous pénétrons dans la rame. C’est un phénomène qui me dépasse : dans les pays tropicaux, ils ne peuvent pas s’empêcher de régler la clim’ sur une température polaire. C’est un peu comme si en Europe, on réglait le thermostat sur quarante degrés dans nos maisons.

Au bout de vingt-cinq minutes, nous arrivons enfin à Mo Chit. En sortant de la station, nous devons longer le parc de Chatuchak sur quelques centaines de mètres. Deux cents mètres plus loin se trouve la sortie de la station du métro aérien, le BST. Là, fini la tranquillité. Un flot ininterrompu de voyageurs vient se déverser sur le trottoir. C’est donc à une vitesse moyenne d’un kilomètre à l’heure que nous parvenons enfin à l’entrée du marché.

Chatuchak est un marché couvert réparti en différentes sections, elles-mêmes subdivisées en de multiples ruelles. Si on vient en couple ou à plusieurs, il vaut mieux trouver un moyen de se repérer facilement ou, plus simplement, éviter de se séparer. Dans ce dédale on a vite fait de se perdre.

Les Thaïlandais présents sont surtout les commerçants ; quant aux acheteurs, ce sont des touristes du monde entier. De toute évidence, certains sont plus à l’aise que d’autres. Les Asiatiques se fondent dans le décor, mais les Européens du Nord et les Anglo-Saxons ressemblent davantage à des Peaux-Rouges qu’à des Blancs.

Après avoir baguenaudé une heure ou deux, déjeuné de nouilles et acheté quelques tee-shirts et un peu d’encens, nous faisons une pause sur la pelouse dans le parc voisin. Un jeune photographe amateur thaïlandais nous prend en photo. À chacun son tour !

En sortant du parc, nous faisons un petit tour sur JJ Market, attenant à Chatuchak. Disons que Chatuchak, c’est grand public et JJ Market plutôt haut de gamme. JJ Market ravira les aquariophiles, mais aussi les amateurs de beau mobilier thaïlandais. Il y a tout pour donner envie de s’offrir une immense résidence à aménager.

Demain nous devons nous lever à quatre heures. Il faut encore faire les bagages. Nous allons laisser la valise avec les parkas et tout ce dont nous n’aurons pas besoin en consigne à l’aéroport de Bangkok. Comme pour la suite du voyage nous devons voler avec Air Asia et que les limitations de poids des bagages à main sont strictes, il faut voyager le plus léger possible.

Pas moyen de fermer l’œil. Entre le décalage horaire et la nécessité de se lever tôt, nous ne parvenons à dormir que de trois heures à quatre heures.

 

 
 

Malaisie

 

Lundi 17 mars

Après un café sur le pouce dans la chambre, nous nous retrouvons dans le taxi encore un peu hébétés. L’avantage de partir très tôt est que la traversée de Bangkok est particulièrement facile. Pourtant, les rues de China Town sont déjà très actives. Partout on relève les rideaux de fer, des employés déballent des cartons sur le trottoir pendant que d’autres poussent des diables à un train d’enfer...

Arrivés à Suwarnabhumi, nous commençons par déposer la valise à la consigne pour une quinzaine de jours. Il est tôt, mais il y a déjà beaucoup de monde sur le point d’embarquer. Nous n’avons dormi qu’une heure. Pourtant, peut-être sous l’effet des couleurs claires qui dominent ici et de l’activité ambiante, nous nous sentons relativement en forme. Nous passons une heure à traîner dans la zone d’embarquement, sans doute l’une des plus jolies du monde.

Arrive enfin l’heure d’embarquer. Un Airbus A 320 tout neuf. Air Asia est une compagnie low cost et ça se voit. Les hôtesses sont, de toute évidence, très jeunes ; l’aînée ne semble pas avoir plus de vingt-deux ans. Les repas, si on peut appeler ça comme ça, feraient les délices des gamins élevés au MacDo. En plus, c’est payant. Toutefois, vu le prix dérisoire de ces vols, on n'est pas regardant. Ce qui compte, c’est d’aller là où on veut, en partant et en arrivant à l’heure prévue.

 

 

 

Je somnole pendant une bonne heure et me réveille alors que nous amorçons la descente sur Penang. Ça fait du bien de voir de la forêt après ces quelques jours dans une ville comme Bangkok. Atterrissage en douceur. Il fait très beau. Malgré un trafic relativement important, l’aéroport de Penang a un petit côté provincial bien sympathique. Les formalités et la récupération des bagages sont vite expédiées. À la sortie, un taxi nous conduit directement à l’embarcadère. Nous nous rendons sur l’île de Jerejak, qui se trouve à cinq minutes de là.

 

 

 

Jerejak a longtemps été une île « maudite », puisqu’elle a été surnommée l’Alcatraz malaisien. Aujourd’hui, la prison n’abrite quasiment plus personne et l’île est devenue un hôtel et un centre de loisirs. Nous y avons loué une chambre pour deux nuits. Lorsque nous arrivons à l’embarcadère, nous voyons notre nom sur la liste des personnes attendues. Un jeune réceptionniste indonésien très souriant décharge nos bagages. Sur les bancs, des Malaisiennes portant robe longue et foulard attendent aussi la navette.

Les deux kilomètres et demi nous séparant du débarcadère de l’île sont parcourus en cinq minutes. Cette traversée les cheveux au vent fait le plus grand bien après une nuit sans sommeil. Le Jerejak Resort est conforme à ce qu’on peut attendre de ce genre d’endroit : jolie piscine, pelouses bien entretenues, arbres géants, bungalows disséminés dans la nature...

Enfin, pour le moment, nous n’avons qu’une idée en tête : nous doucher et nous allonger un peu. La chambre est très agréable. Ça tombe bien, c’est juste ce dont nous avions besoin. À peine allongés, nous sombrons dans le sommeil. Dehors, les cris et les rires d’une bande d’adolescents venus passer la journée sur l’île ne parviennent même pas à nous troubler.

 

 

 

Nous nous réveillons vers trois heures de l’après-midi. Direction le restau. Nous n’avons quasiment rien mangé depuis hier soir. Crevettes et tofu avec sauce saté, et nous voilà requinqués. Comme le soleil est encore haut, nous décidons d’aller faire le tour de l’île. La brochure indique un ou deux chemins. La promenade qui longe la mer face à l’île de Penang ne nous attire guère et nous choisissons de nous enfoncer dans la forêt. Nous nous égarons d’abord dans les allées qui desservent des chalets à flanc de colline. Au passage, nous découvrons une petite piscine d’où on a une superbe vue sur la mer et Penang. Nous tournons un peu en rond quand arrive la réceptionniste dans une Mini Moke. Elle offre de nous conduire jusqu’au pont suspendu. En fait, cette passerelle ne conduit qu’à l’endroit où peut jouer à Tarzan en traversant le ravin dans l’autre sens, suspendu à un câble. Jerejak, c’est aussi un parc d’attractions, mais en ce début de semaine nous sommes quasiment les seuls clients.

 

 

 

À partir du pont suspendu, nous empruntons l’allée qui s’enfonce dans la forêt. À la réception, on nous a dit qu’il fallait un guide, mais bon... Au bout de quelques dizaines de mètres, nous sommes en pleine jungle. L’air est lourd des senteurs de la forêt. La végétation nous rappelle beaucoup le parc national de Sete Cidades, au Brésil. Il faut dire que nous sommes à la même latitude, à ceci près qu’ici, c’est l’hémisphère nord. Le sol est jonché de feuilles mortes. Nous nous immobilisons quelques instants pour essayer de repérer un animal qui se déplace assez bruyamment quelque part sur notre droite. Peine perdue, la végétation est si dense que la visibilité est réduite à seulement quelques mètres. Sans doute un varan.

Au bout d’un petit kilomètre d’ascension, nous parvenons au sommet de l’île. Nous avons bien entendu quelques grondements de tonnerre, mais le ciel ne semble pas particulièrement menaçant. Estimant que l’orage est plutôt au-dessus de Penang, nous décidons de continuer. D’après le plan, ce chemin forme une grande boucle passant par la mer du côté oriental de l’île. Arrivés en bas, nous tombons sur un chantier. Nous le dépassons pour longer la mer. La plage est à quelques mètres en contrebas, mais la densité de la végétation ne permet pas d’y accéder. Nous continuons donc sur le sentier qui se fait de plus en plus étroit. Un peu plus loin, je comprends pourquoi il est conseillé de prendre un guide. Je tombe sur une énorme araignée accrochée à sa toile à quelques centimètres devant mes yeux. Je m’attendais bien à ce genre de chose, mais je suis tout de même un peu surpris.

Quelques centaines de mètres plus loin, le chemin ne semble plus conduire nulle part. À droite, un semblant de sentier s’enfonce dans la forêt, mais comme le temps s’est fait plus menaçant – et un peu refroidis par l’expérience de l’araignée – nous préférons descendre sur la plage puisque c’est là que le chemin principal semble conduire. Après avoir longé la mer sur deux ou trois cents mètres, il apparaît que le « chemin » n’est plus qu’un sentier où il vaut sans doute mieux avoir le temps, une boussole et une ou deux bouteilles d’eau. Les premières gouttes ayant commencé à tomber, nous jugeons plus sage de faire demi-tour.

Heureusement, la forêt nous protège de la pluie qui, par chance, n’est pas trop forte. Lorsque nous arrivons enfin en haut de la colline, la pluie cesse, mais nous sommes déjà bien trempés. Dans la descente, nous sommes accompagnés par les stridulations des cigales. Nous étant arrêtés quelques instants, nous constatons que leur chant suit une séquence bien précise : une dizaine de notes d’une seconde suivies d’une note très longue en crescendo montant de plusieurs tons avant de se stabiliser puis de mourir progressivement. Heureusement, le soleil refait son apparition et nous sommes quasiment secs en arrivant à notre chambre.

Nous en avons assez fait pour aujourd’hui. Depuis hier matin, nous n’avons dormi que trois ou quatre heures, et en pointillés. Dîner sur la terrasse. Je constate avec plaisir qu’ici le politiquement correct n’est pas de rigueur : il y a des cendriers sur toutes les tables.

En rejoignant notre chambre, nous nous arrêtons quelques instants pour écouter les grenouilles. C’est une cacophonie incroyable. Celles du bassin de notre jardin sont battues à plate couture.


Mardi 18 mars

Le programme du jour : retourner au temple de Kek Kok Si que nous avons visité il y a trois ans. Ce vaste complexe se trouve à flanc de colline et domine Georgetown. Renseignements pris à l’hôtel, louer une voiture s’annonce un peu compliqué et nous décidons de prendre un taxi.

 

 

 

 

 

 

Une fois sur place, le temps se gâte. Il faisait beau à Jerejak, mais dans les collines, soit il pleut, soit on est dans les nuages. Sur place, nous avons un peu de mal à reconnaître les lieux. Le nouveau temple et la nouvelle pagode encore en construction lors de notre passage en décembre 2005 sont maintenant achevés. C’est d’ailleurs très joli. Nous passons un bon moment à déambuler et à prendre des photos. Enfin nous trouvons la rampe d’accès à la statue géante que nous avons vue il y a trois ans, mais comme elle est actuellement entourée d’échafaudages, cela ne présente guère d’intérêt.

 

 

 

Nous profitons d’une accalmie de la pluie pour redescendre dans le quartier à un demi-kilomètre en contrebas pour trouver un taxi. Nous suivons donc la petite route qui serpente dans la forêt mais à deux cents mètres du but, nous devons nous abriter d’urgence sous un arbre : la pluie est devenue torrentielle et la route... un torrent. Nous nous adossons au tronc de l’arbre, mais cela ne nous aide guère. En trois minutes, nos vêtements sont à tordre. L’endroit est très joli, c’est toujours une consolation. Un ruisseau serpente dans les gros rochers ronds en contrebas de la route, des lianes aux formes fantasmagoriques descendant des frondaisons jusqu’au sol. La pluie finit enfin par se calmer. Nous découvrons alors qu’il nous aurait suffi de continuer quelques dizaines de mètres pour nous mettre à l’abri sous un auvent.

Nous trouvons refuge dans un restau chinois. Marielle était mieux abritée, mais mon tee-shirt à moi est à tordre. Apitoyée, la patronne du restau m’indique les lavabos pour que je puisse l’essorer. Une assiette de nouilles et un café plus tard, nous nous sentons déjà plus humains. La patronne nous demande pourquoi nous ne sommes pas redescendus par le chemin couvert. Le chemin couvert ? Il y avait un chemin couvert ? Évidemment, comme le taxi nous a déposés directement à l’entrée du temple, nous ne l’avons pas vu. D’ailleurs, en 2005 non plus, puisque nous étions en voiture.

 

 

 

 

 

Nous prenons un taxi pour retourner à Jerejak nous changer, avec l’intention de revenir ensuite à Georgetown. Nous tombons sur un type sympa à qui nous expliquons que nous connaissons déjà Penang. Il propose de nous montrer un temple un peu plus haut dans les collines. Comme nous n’avons rien de prévu par ailleurs et plus le temps de refaire le tour de l’île comme envisagé initialement, nous convenons nous retrouver à l’embarcadère lorsque nous nous serons changés.

 

 

 

 

 

Une heure plus tard, nous voilà sur une petite route perdue dans les collines dominant Georgetown. Au bout de quelques kilomètres, elle débouche sur un temple construit il y a un peu plus d’un siècle où, de toute évidence, quasiment personne en dehors des quelques habitants des hauteurs ne met jamais les pieds. Le cadre fait très Chine traditionnelle. Un temple niché au creux d’une noue en pleine forêt tropicale, des lambeaux de nuages accrochés aux collines voisines et, pour parachever cette image à la limite du cliché, le retentissement d’un gong. Des voix gutturales monocordes se font entendre à l’intérieur du temple. Un couple d’un certain âge apparemment en tenue de deuil est en train de prier.

Une heure plus tard, nous sommes redescendus à China Town. C’est la fin de la journée, et la plupart des artisans ont déjà fermé boutique. Seules restent ouvertes quelques boutiques, quelques gargotes et, ici ou là, une boutique d’articles religieux. Sur les artères principales, c’est aussi l’heure des embouteillages. Je me souviens qu’il y a trois ans, j’ai pas mal pesté contre les conditions de circulation – si on peut appeler ça circuler – dans Georgetown. Beaucoup de sens uniques et de rues qui tournicotent, et puis le fait que, en tant que visiteurs, on ne connaît pas le nom des quartiers indiqués.

La pluie, qui avait cessé depuis une heure, reprendr au moment où la nuit tombe, nous contraignant à reprendre un taxi pour Jerejak. De toute façon, on ne peut plus espérer faire grand-chose à cette heure-ci.


Mercredi 19 mars

Nous quittons Penang aujourd’hui. Notre destination : Kota Kinabalu, capitale du Sabah, l’un des deux états de Bornéo faisant partie de la Malaisie. Debout à sept heures, douche, petit-déjeuner puis embarcadère. Un taxi nous conduit à l’aéroport tout proche. Comme nous avons largement le temps, nous restons un moment à l’extérieur à regarder les voyageurs se faire déposer par d’autres taxis, des membres de la famille ou des amis. La bêtise étant universelle, ils sont obligés de se garer en deuxième file, la première, vide, étant réservée aux VIP. Donc embouteillage, agacement, grogne...

 

 

 

Bien qu’international et très actif, l’aéroport de Penang nous apparaît plutôt provincial par ses dimensions, mais pas moins convivial. En tout cas, les formalités ne sont… qu’une formalité et l’embarquement se fait à l’ancienne. Autrement dit, on se rend à pied jusqu’à la passerelle. En plus, sur Air Asia, on n’a pas de numéro de place et on s’installe où on veut.

 

 

 

 

 

Quelques photos de Georgetown après le décollage puis... dodo. Je me réveille un peu avant l’atterrissage à Kota Kinabalu. Nous survolons quelques îles « de rêve », autrement dit des îlots avec de la forêt, de la plage et de l’eau turquoise tout autour, comme dans les brochures. Un peu avant d’arriver, nous survolons aussi l’embouchure d’une rivière déversant son flot ocre dans la mer.

Tampon dans le passeport puis taxi jusqu’à l’hôtel D’Borneo, en plein centre-ville, à deux pas du marché philippin. Après avoir pris possession de la chambre, nous descendons manger un plat de nouilles dans un restau chinois voisin. La jeune serveuse ne semble pas à l’aise avec l’anglais et c’est la patronne qui vient s’asseoir directement à notre table pour prendre notre commande. Son allure générale nous donne à penser qu’elle n’a sans doute pas toujours été restauratrice... Enfin, l’essentiel est qu’elle sait visiblement tenir son établissement et nous sommes servis promptement. Surprise pour un restau chinois : pas de bière. C’est d’autant plus étonnant qu’à Bornéo, on aime bien lever le coude, au grand dam des dirigeants de Kuala Lumpur.

 

 

 

Il faisait beau en partant de Penang, mais ici il se met à pleuvoir. Nous allons faire un petit tour dans le quartier et sur le bord de mer. Le marché de l’artisanat est décevant. Très boutique de souvenirs pour famille Bidochon égarée sous l’équateur. En plus, il tombe maintenant des cordes et ça nous gâche un peu le plaisir.

Ayant déjeuné tard, nous remplaçons le dîner par un « souper liquide », selon l’expression d’un jeune Américain de rencontre, dans un autre restau chinois du coin comme nous les aimons : éclairage au néon, télé géante placée pour que toute la salle puisse en profiter, piano dans l’ouverture sur la rue où on prépare les fritures, immense frigo à portes vitrées au fond, avec d’un côté le rayon bière fort bien garni et de l’autre des sacs en plastique renfermant on ne sait quoi, de grandes tables rondes avec des couples ou des familles, mais surtout des groupes d’hommes. On mange, on boit, on fume, on rigole... De l’autre côté de la rue, trois ou quatre jeunes dealent de l’herbe devant une bijouterie en se la jouant (vraiment ?) discrète. De temps en temps, ils vont faire de la monnaie ou échanger de petits billets contre un gros dans ladite bijouterie. Des gamines allumeuses passent en tirant sur leur clope comme on le fait à cet âge-là, l’autre main tenant le portable collé contre l’oreille. Un peu plus loin, des musulmanes vertueuses choisissent des tissus chatoyants dans une boutique encore ouverte. Des papiers et des cannettes jonchent le sol encore luisant après la pluie. Un chat vient nous faire un coucou : « vous êtes sûrs de vouloir la finir, cette assiette ? »


Jeudi 20 mars

N’ayant pas de projet précis pour le Sabah, nous avons loué une voiture pour deux jours. J’ai opté pour une Proton Gen 2 automatique, voiture équivalant à une Renault Mégane en France. 170 ringgits par jour, soit € 35, kilométrage illimité. Apparemment, je fais une bonne affaire, puisque le tarif est habituellement de 220. En fait, il y a eu cafouillage : la réceptionniste m’a confirmé par erreur que la voiture était réservée pour 170 par jour. Comme aujourd’hui, c’est l’anniversaire de la naissance du Prophète, c’est un jour férié. Le responsable de l’agence a dû préférer louer la voiture moins cher que pas du tout.

Nous voilà partis. Je m'arrête à une station-service pour faire le plein. Un peu allumeuse, la jeune pompiste me demande si c'est ma voiture. Elle est de toute évidence admirative devant sa belle couleur orange métallisé et, surtout, les couvertures en simili peau de zèbre des sièges. Les goûts et les couleurs...

 

 

 

A la sortie de Kota Kinabalu, nous nous arrêtons à la mosquée de la ville, l’une des plus belles de Malaisie, paraît-il. Après quelques photos, nous repartons vers l’est, avec l’intention de suivre la côte jusqu’où le vent nous poussera. Nous nous égarons un peu après l’université, mais finissons par trouver la route conduisant de Tuaran à Kota Belud et Kudat. Jusqu’ici il fait plutôt beau malgré un ciel assez chargé, en particulier sur les collines environnantes. Le paysage magnifique correspond bien à l’idée que je me faisais de la région. À un moment donné, nous traversons une vaste plaine de rizières, avec des maisons en bois sur pilotis sous les cocotiers plantés en lisière. À mi-chemin de la pointe orientale de Bornéo, nous franchissons une chaîne montagneuse. L’état de la route se dégrade. Elle s’est affaissée ou détériorée en de nombreux endroits et les panneaux orange « Awas » (attention) se multiplient. À plusieurs reprises, il faut carrément rouler au pas d’un homme et le dessous de la voiture frotte sur le sol. Je suis bien content d’avoir loué une voiture à boîte automatique. Le modèle à boîte manuelle, plus petit et à seulement 110 ringgits par jour aurait été bien suffisant, mais sur une voiture avec la conduite à droite – et donc avec les vitesses inversées –, je crains de ne pas avoir les bons réflexes en cas d’urgence. Sur ce tronçon fortement endommagé, je me dis que j’ai été bien inspiré.

 

 

 

À mesure que nous redescendons dans la plaine, la forêt cède la place à des plantations de palmiers à huile : grosse source de devises pour la Malaisie, mais aussi grosse source de problèmes. Nous l’avons constaté clairement il y a trois ans entre Kuala Terengganu et Kota Baharu. Des pluies diluviennes s’étaient abattues sur la région, coupant les routes et inondant des zones habitées, le déboisement massif ayant largement aggravé la situation. Certes, les Malaisiens sont habitués, mais là, c’était la pire mousson depuis trente ans, à en croire la presse. D’ailleurs, plusieurs milliers de personnes avaient dû être évacuées, en particulier dans l’état du Perlis, près de la frontière thaïlandaise.

 

 

 

Notre balade sans but précis en trouve finalement un : la pointe orientale de Bornéo, signalée par un grand panneau au bord de la route. Après tout, nous avons parcouru quelques milliers de kilomètres en avion pour venir jusqu’au Sabah, ce serait bête de ne pas aller jusqu’au bout. C’est là que les choses commencent à se gâter. Au bout de quelques kilomètres, la route n’est plus qu’une piste traversant une forêt de cocotiers. Au début, tout va bien. C’est de la tôle ondulée et je roule à cinquante kilomètres à l’heure. La voiture étant plutôt basse, j’estime ne pas prendre de risques. J’ai péché par excès d’optimisme : une ornière traîtresse nous attend et m’oblige à me montrer plus prudent. Je lève le pied pour parcourir les quelques kilomètres de piste avant de retrouver l’asphalte, à trois kilomètres du but. Il me semble que le moteur fait un peu plus de bruit, mais je mets cela sur le compte de la poussière. Après tout, ce n’est pas la première fois que je roule sur de la piste avec une voiture de tourisme et que je constate ce genre de chose.

 

 

 

De toute manière, nous sommes presque arrivés. Nous nous arrêtons prendre quelques photos sur la plage juste avant la pointe. L’endroit est quasiment désert. Sur la droite de la piste, quelques étals où on vend des coquillages. Sur la gauche des cocotiers et la plage de sable blanc. Deux ou trois petits enfants jouent sur le sable sous l’œil de leur mère. Le soleil baigne l’anse de lumière, offrant un contraste saisissant avec le ciel très noir alentour.

 

 

 

Arrivés à la pointe de Bornéo proprement dite, nous laissons la voiture sur le parking et parcourons les derniers mètres à pied. L’endroit est plutôt joli. Un drapeau flotte au vent à côté d’un globe terrestre en bronze où est indiquée notre position. Des touristes chinois se prennent en photo devant. Nous photographions les touristes chinois se prenant en photo...

 

 

 

Après avoir déjeuné à la cafétéria de l’endroit, nous reprenons la route en sens inverse. Il me semble que la voiture ne fait plus du tout le même bruit. Pour être exact, elle fait du bruit alors qu’elle n’en faisait pas avant. Nous parcourons les trois kilomètres asphaltés avant de retrouver les dix kilomètres de piste et là, au bout d’une centaine de mètres, le moteur redevient discret. Cool. Euh... il ne me semblait tout de même pas aussi silencieux ce matin. Effectivement, il est tellement silencieux qu’il s’est purement et simplement arrêté. Je parcours encore une centaine de mètres avant de me garer à un endroit où je ne risque pas de provoquer un accident.

Quand j’essaie de redémarrer, la voiture ne veut rien savoir. Un nouveau voyant s’est allumé. Je réalise tout à coup que le voyant de l’huile s’était allumé après avoir touché le sol dans l’ornière. Je ne suis pas mécanicien, mais il me semble évident que le carter est percé.

Un malheur n’arrivant jamais seul, je me rends compte que j’ai oublié le contrat de location à l’hôtel, ou plus exactement que le type de l’agence ne m’a pas remis de contrat du tout. C’est malin, je me suis fait avoir comme un bleu. Je tente donc d’appeler l’hôtel pour avoir ses coordonnées, mais le portable m’indique une erreur de réseau. Message bizarre. Le réseau est bien présent, mais ça ne passe pas pour autant. Je dois donc retourner à la cafétéria pour trouver un téléphone. Des Chinois qui se rendent à la pointe s'arrêtent en voyant que nous avons un problème. Quand j’explique ce qui nous arrive, le chauffeur confirme ce que je pensais : c’est bien une fuite d’huile. Ensuite, il me propose d’appeler l’hôtel avec son propre téléphone, mais ça ne passe pas non plus. Il a le même message d’erreur que moi, ce qui me « rassure » un peu, si j’ose dire. Il m'emmène donc à la caféréria pour essayer d'appeler de là-bas pendant que Marielle garde la voiture.

Après les avoir remerciés de m’avoir amené jusque-là, je me dirige vers la cafétéria. Je vais téléphoner et tout va s’arranger. Mauvaise surprise : il n’y a pas le téléphone. Évidemment, nous sommes ici dans un endroit éloigné de tout. C’est déjà bien qu’il y ait l’électricité, mais il ne faut pas trop en demander non plus.

Devant mon air déconfit, la serveuse me fait signe de patienter. Au bout de quelques instants, elle revient et m’invite à la suivre : ses patrons sont justement là, et ils parlent couramment l’anglais. Après avoir une nouvelle fois expliqué la situation, ils saisissent leur téléphone portable… pour se rendre compte, eux aussi, que ça ne passe pas ! Ce n’est qu’au bout d’un certain nombre de tentatives qu’ils parviennent enfin à joindre leur fils, afin qu’il demande au voisin de venir ici. On me dit que ce monsieur a déjà dépanné deux ou trois fois des gens ayant eu le même problème. Je recommence à respirer.

Entre-temps, nous faisons connaissance. J’ai affaire à un couple charmant. Lui est un Chinois de Malaisie, tandis qu’elle est une Chinoise d’origine malaisienne et philippine. Il est vrai que nous ne sommes qu’à quelques encablures des premières îles de l’archipel philippin.

Après quelques échanges téléphoniques, ils demandent à un des employés de me reconduire à notre voiture. Le garagiste est en route et nous rejoindra là-bas.

Effectivement, il arrive un quart d’heure plus tard, dans une vieille guimbarde, accompagné de sa femme et de son fils. Il me revient qu’aujourd’hui, c’est férié et qu’il passait sans doute tranquillement l’après-midi en famille. La voiture refusant toujours de démarrer, il remplace la batterie par une autre, en vain. Il teste notre batterie sur sa propre voiture : elle marche. La panne ne vient donc pas de là, mais on s’en doutait.

Des voisins se sont attroupés autour de la voiture. Notre mécano vérifie le niveau d’huile : la tige de la jauge est complètement sèche. Rigolade générale. Personne n’en croit ses yeux. Le type qui traduit semble penser que l’agence de location m’a arnaqué et que le niveau d’huile n’avait pas été vérifié depuis bien longtemps. Finalement, il n’en est rien : un coup d’œil sous la voiture révèle la présence d’une petite flaque d’huile. Mon « mécanicien » va à sa voiture chercher ses outils. Je pense alors qu’il va faire une soudure à froid ou quelque chose comme ça. En fait, il revient avec un couteau, ramasse un bout de bois sur le bord de la piste et se met en devoir de le tailler. Après deux ou trois tentatives infructueuses, il obtient le résultat escompté : un petit coin en bois pour obturer le trou dans le carter. Après avoir remis de l’huile, la voiture démarre enfin. Évidemment, il n’est pas question de rentrer à Kota Kinabalu comme ça. Nous allons le suivre jusqu’au garage et là, il fera la réparation proprement dite.

Il est près de dix-huit heures quand nous arrivons enfin au garage. Évidemment, comme c’est férié, il n’y a personne pour faire la réparation. Nous sommes à plus de deux cents kilomètres de Kota Kinabalu. Aujourd’hui, c’est férié pour les musulmans, qui fêtent l’anniversaire de la naissance du Prophète ; demain, c’est Vendredi Saint... Et samedi, c’est quoi à ce train-là, une fête bouddhique ? la Journée mondiale des garagistes ? N’ayant pas le numéro de téléphone de l’agence de location, j’appelle l’hôtel. Heureusement, la réceptionniste est super et me rappelle au bout de quelques minutes. Elle m’indique le numéro de portable du responsable. J’explique mon histoire pour la énième fois. À force, je vais finir par la raconter en alexandrins !

Entre-temps, notre dépanneur de fortune veut repartir et me demande cent ringgits. Je lui demande une facture, mais on me dit que c’est impossible. Petite incompréhension de part et d’autre. Finalement, un reçu fera l’affaire. C’est juste pour le cas où l’agence de loc’ ferait des histoires. Je préfère avoir un peu de munitions.

En attendant que le type de l’agence me rappelle, nous discutons avec le garagiste, le vrai, et son frère, venu de Kota Kinabalu avec sa femme et ses enfants pour le week-end. Le responsable de l’agence rappelle et me dit que nous devons passer la nuit sur place et rentrer demain à KK par le bus. Ben voyons. La moutarde commence à me monter au nez, mais je me sens impuissant. C’est là que j’ai une fulgurance : je lui explique qu’il n’en est absolument pas question, que j’ai un médicament à prendre et qu’il se trouve à l’hôtel. Dix minutes plus tard, il rappelle pour dire qu’il envoie quelqu’un nous chercher.

Nos hôtes de circonstance nous proposent de nous déposer devant le KFC du coin pour l’attendre. Nous faisons donc nos adieux en nous confondant en remerciements.

Comme nous avons deux heures à tuer en attendant, nous allons dîner dans une gargote chinoise à proximité. Vers neuf heures du soir, le 4x4 de l’agence arrive enfin. Le chauffeur veut voir la voiture. Heureusement que Marielle a pris le point GPS et que le frère du garagiste nous a donné sa carte de visite, sinon nous n’aurions jamais pu retrouver l’endroit. Le chauffeur est un jeune Chinois. Cela tombe bien et simplifiera la communication avec le garagiste.

Retour au garage. Nouvelles palabres dans la cour. Toute la famille est là. On commente, on rigole. Ils sont vraiment charmants, ces gens, et de bonne composition pour se laisser enquiquiner de la sorte. Notre chauffeur est parfaitement bilingue chinois-malais, mais son anglais est limité. On nous explique qu’il va prendre le volant de notre voiture – il a apporté plusieurs bidons d’huile pour le trajet de retour à KK – et que moi je vais conduire le 4x4. Quand la voiture tombera définitivement en panne, nous la remorquerons. Hum, cela me semble bien hasardeux, mais nous n’avons guère le choix.

S’ensuivent de nouvelles palabres entre le chauffeur et les Chinois. J’ai pris le volant du 4x4 et je me dis qu’enfin, nous sommes partis, mais non. C’était sans doute trop simple. Il monte à l’arrière et me dit que nous allons en ville remettre du carburant. Comment ça ? Il n’a même pas fait le plein avant de venir ? Et pourquoi ne pas partir tout simplement dès maintenant avec les deux voitures ? Bon, je renonce à comprendre sa logique. Évidemment, toutes les palabres ayant duré un certain temps, les deux stations-service sont déjà fermées. Et il n’y en a pas d’autre avant au moins cent kilomètres. Et le réservoir du 4x4 est quasiment vide.

Retour au garage chinois ! Quand nous arrivons sur place, c’est franchement la honte. Discussion entre le chauffeur et le garagiste. Le chauffeur nous annonce alors que nous devons payer le carburant ! Là, c’en est trop. Je lui rétorque sèchement que ce n’est tout de même pas à nous de payer, mais à l’agence. Et qu’il est tout aussi hors de question que nous passions la nuit sur place comme il le suggère. S’ensuit un échange de coups de fil avec son patron. Finalement, le chauffeur règle les soixante ringgits de carburant au garagiste et me laisse le 4x4 en remplacement de la Proton pour le deuxième jour de location. Ben voilàààà. On y arrive. Il faut dire que les Chinois du garage, tout aussi excédés que nous par ce mic-mac, se sont rangés de notre côté.

Vers dix heures et demie, nous prenons enfin congé en les remerciant le plus chaleureusement possible pour leur extrême gentillesse et leur patience.

Le jeune de l’agence part devant avec la Proton. Il doit être passablement énervé, car il roule à tombeau ouvert et nous sème rapidement. Quant à moi, je préfère rouler prudemment. Je ne tiens vraiment pas à avoir un problème avec le 4x4. De toute façon, je me dis qu’au rythme où roule la Proton, les deux ou trois bidons d’huile qu’il a apportés ne vont pas lui permettre de faire plus de cinquante kilomètres.

Effectivement, nous retrouvons la voiture arrêtée sur le bas-côté un peu plus loin, mais le chauffeur nous fait signe que tout est OK et redémarre en trombe. Et nous sème une nouvelle fois. J’espère qu’il ne va pas aller se foutre dans le décor, ce serait le pompon.

Nous le retrouvons une deuxième fois arrêté à la bifurcation vers Kota Belud. En fait, il veut simplement nous signaler que nous devions prendre à droite à cet endroit, l’embranchement n’étant pas très visible malgré la présence d’un grand panneau. Il faut dire qu’en Malaisie, les panneaux indiquant les bifurcations ou les sorties d’autoroute sont placés au maximum dix mètres avant, pas quelques dizaines ou centaines de mètres, comme on pourrait s’y attendre. Nous nous sommes d’ailleurs fait avoir à plusieurs reprises lors des séjours précédents.

Là, il nous sème encore une fois. La route est nettement meilleure, mais je préfère rouler à quatre-vingts à l’heure. Au point où nous en sommes, être à KK une demi-heure plus tôt ou plus tard n’a plus d’importance.

Finalement, nous ne le reverrons pas. À un moment donné, nous nous sommes trompés à un rond-point, ce qui nous a fait prendre une route un peu plus longue. Aux alentours de Tuaran, je dois redoubler de vigilance, car des buffles déambulent tranquillement sur la route. À Kota Belud, je dois même faire du slalom entre les vaches autour d’un rond-point. En traversant un village, nous avons même trouvé un troupeau de chevaux sur la route. Nous n’avions encore jamais vu un seul cheval en Malaisie : là, nous étions servis, il y en avait au moins une vingtaine.

Il est plus de deux heures du matin quand je me gare enfin devant l’hôtel.


Vendredi 21 mars

Après une bonne nuit de sommeil, nous décidons de reprendre la même route qu’hier, car nous avons repéré deux ou trois endroits que nous aimerions visiter. Ce matin il fait beau et nous pensons n’avoir qu’une centaine de kilomètres à faire. Et aujourd’hui, nous roulons en 4x4 !

 

 

 

Petit à petit, le ciel se couvre de plus en plus, mais cela n’a rien d’inquiétant. Passé Kuala Belud, nous commençons à chercher le but de notre balade du jour. Les kilomètres passent et nous nous rendons compte que c’était plus loin que nous l’avions imaginé. Ce n’est pas bien grave, mais je vois qu’il ne nous reste plus beaucoup de carburant, et dans mon souvenir, il n’y a pas de station avant... Kudat, c’est-à-dire là où nous étions hier soir !

Je lève un peu le pied pour réduire la consommation. Manque de chance, il y a du relief et c’est le tronçon où la route est la plus abîmée, sans parler des nombreux conducteurs qui roulent trop lentement. Il faut dire que les Malais ne sont pas des champions du volant. Beaucoup ont une voiture depuis peu et conduisent vraiment très mal.

C’est avec un immense soulagement que j’arrête la voiture à la station de Kudat. Il était grand temps. Nous profitons de l’occasion pour visiter le joli temple chinois aperçu la veille. Il vient de se mettre à pleuvoir, mais ce n’est pas bien méchant. De plus, la lumière est idéale pour faire des photos.

 

 

 

Lorsque nous repartons, il apparaît évident que le beau temps de ce matin, c’est de l’histoire ancienne. Au bout de quelques kilomètres, il pleut de plus en plus franchement. D’ailleurs, la route est plus dégradée qu’hier et, à certains endroits, il est prudent de ne pas trop serrer à gauche par crainte des affaissements.

Lorsque nous trouvons enfin la petite route qui conduit aux centres artisanaux repérés hier, il tombe des trombes d’eau. La route est très étroite et complètement défoncée par endroits. Une fois sur place, nous faisons le tour d’un hameau qui paraît bien triste sous cette pluie battante. Aucune indication de quoi que ce soit. Pourtant, c’est bien ici, mais comme hier c’était férié et aujourd’hui, Vendredi Saint, nous supposons que tout est fermé. Il faut dire qu’il y a aussi beaucoup de Chrétiens dans la région.

Nous faisons ensuite un ou deux allers et retours sur la route principale à la recherche d’un autre centre et d’une longhouse également remarquée en passant. Après une pause-café, nous profitons d’une petite accalmie de la pluie pour poursuivre notre recherche, mais nous devons abandonner rapidement, car il se remet à tomber des cordes. Nous arrivons tout de même à trouver la longhouse : nous avions fait demi-tour deux cents mètres avant...

Le retour vers Kota Kinabalu s’effectue sans encombre. Cette fois, nous rencontrons un seul troupeau de vaches et les ronds-points sont dégagés.

Nous commençons à en avoir un peu marre de la pluie. Tout va de travers. De plus, nous ne sommes plus au D’Borneo : la chambre n’était disponible que pour deux nuits et malheureusement rien ne se libère. Du coup, on nous a transférés à l’hôtel voisin, deux rues plus haut. Il est nettement moins cher, mais la chambre est un peu sinistre. Finalement, nous décidons de partir pour Kuching le lendemain ou le surlendemain si nous trouvons un vol.


Samedi 22 mars

Ce matin, il fait encore un grand soleil, mais nous n’avons plus envie de nous faire avoir. D’ailleurs, j’ai lu ce matin dans le journal que les pluies de la veille avaient provoqué des glissements de terrain en plusieurs endroits dans la région.

Air Asia est à dix minutes à pied de l’hôtel. L’affaire est rondement menée. En même pas cinq minutes nous avons notre billet et l’avion décolle dans deux heures. Le temps de régler la chambre et de sauter dans un taxi, et nous revoilà à l’aéroport.

Au moment où nous décollons, nous nous disons que nous avons eu raison de partir : de gros nuages menaçants s’amoncellent déjà et j’imagine que d’ici une heure ou deux, il va encore pleuvoir. La pluie est vraiment le pire ennemi du voyageur.

Le vol ne prend qu’une heure et vingt minutes. À Kuching, le temps est couvert, mais sans plus. Déception en arrivant au centre-ville. Nous comptions descendre au Harbour View Hotel, mais il est complet. On nous recommande le Borneo, à deux pas de là. Effectivement, ils ont des chambres. Pas grandiose et cher, mais nous n’allons pas faire la fine bouche. Pas envie de tourner en rond pendant trois heures. C’est le plus vieil hôtel de Kuching. Le hall est beau, mais la chambre n’est pas bien grande et la salle de bains aurait besoin d’un sérieux coup de jeune.

Après avoir pris une douche, nous partons faire un tour dans le quartier. Premier objectif : trouver un autre hôtel moins sinistre. Nous allons d’abord au Je-ne-sais-quoi-lodge, à côté du Harbour View, que nous avons relevé dans le Lonely Planet. Il faut sonner en bas, monter un escalier et se déchausser en haut. On entre alors dans la réception. Boiseries « typiques », vannerie et magnifiques photos d’autochtones accrochées aux murs, accueil par le patron lui-même, très sympa. Les prix sont aussi très convenables. Rien à dire jusque-là, mais un coup d’œil circulaire confirme nos craintes : nous sommes bien dans un hôtel pour Bidochons new generation. Les clients portent tous un short beige et un tee-shirt blanc, et ils sont quasiment tous assis devant un ordinateur. La relecture du Lonely Planet, entre les lignes cette fois, confirme notre pressentiment.

Au Fata, en face du Borneo, il y des chambres de libres à partir de demain. C’est un hôtel chinois tout simple, comme on les aime, deux fois moins cher et offrant le même confort que les autres.

 

 

 

Nous passons la soirée à découvrir Kuching. Nous commençons par le temple chinois de Hong San Si, l’un des plus jolis que nous ayons vus jusqu’ici. Des adolescents sont occupés à confectionner des origamis avec des papiers de prière sur de grandes tables. Autour de nous, des gens viennent faire leurs dévotions. Ce temple est vraiment splendide. Nous reviendrons demain pour prendre le temps de le découvrir.

Pour l’heure nous avons faim et partons en quête d’un restau. Après avoir pris la Carpenter Jalan, occupée dans sa première partie principalement par des magasins d’outillage fermés à cette heure, nous marchons encore un peu sur les trottoirs couverts. La pluie est devenue plus forte, mais ce n’est pas le déluge auquel nous avons eu droit au Sabah.

Kuching nous rappelle beaucoup Malacca, surtout le quartier chinois. Mêmes maisons basses construites il y a un siècle, trottoirs-galeries avec des plantes en pots pour faire de l’ombre pendant la journée, stores en bois... Nous avons l’impression d’être revenus « chez nous ». Après avoir longé la rivière, nous revenons en direction de notre hôtel. Nous partirons explorer Kuching. Finalement, nous dînons « comme d’habitude » dans un restau chinois. En fait, il s’agit d’un food court, c’est-à-dire d’un restau avec plusieurs stands proposant des spécialités différentes. On passe sa commande et on s’assoit où on veut. On règle à chaque stand indépendamment. Quant aux boissons, on les commande à un autre serveur. Les couverts sont en plastique, c’est sans prétention, mais on y mange toujours très bien. D’ailleurs, la clientèle est très hétéroclite : on y trouve aussi bien le petit employé que le commerçant prospère du coin arrivé en Mercedes.

 

 

 

Une fois restaurés, nous partons faire un tour sur la promenade aménagée sur le bord de la rivière. C’est samedi soir et il y a pas mal de monde. Ici, la population est très mélangée. Les couples mixtes, entendez par là un Malais musulman bon teint marié à une Chinoise bouddhiste ou chrétienne, par exemple, sont très nombreux. Les types physiques sont d’ailleurs assez indéfinissables. On voit que ces mariages mixtes ne datent pas d’hier. Au bout de la promenade, un groupe de « rap malais » anime la soirée. La foule est nombreuse. Nous restons un moment à écouter. Pas mal du tout, ça bouge bien. Quand je dis « rap », j’ignore si cette musique a un nom particulier ici, mais c’est ce qu’elle évoque le plus. En tout cas, nous constatons aussi qu’il n’y a absolument aucun touriste dans la foule. Un détail nous intrigue : la scène est fermée sur les côtés par des filets de camouflage, et tous les stands autour aussi. En allant voir de plus près, nous découvrons que la soirée est en fait organisée par l’armée. Il s’agit d’une soirée d’ « information », pour utiliser un de ces euphémismes dont ces messieurs en kaki raffolent. Affiches présentant de jeunes et beaux soldats souriants posant devant un char ou un avion, ou bien concentrés devant un écran de radar... Nous avons aussi l’occasion d’admirer de près des torpilles, des bombes, des mitrailleuses lourdes… Bref, une soirée réussie !


Dimanche 23 mars

Nous nous sommes levés tôt, car nous voulons avoir le temps de traîner sur le Sunday Market et revenir pas trop tard pour changer d’hôtel.

La journée commence mal. Marielle est très enrhumée et elle a mal dormi. En plus, nous nous trompons de chemin pour aller au marché et faisons un grand détour inutile. En passant devant la cathédrale Saint John, nous constatons qu’il y a foule. C’est vrai qu’il y a beaucoup de chrétiens à Bornéo. Déjà, au Sabah, nous avons vu une multitude d’églises catholiques chinoises, et il semble en aller de même ici.

 

 

 

Nous arrivons enfin au fameux Sunday Market. C’est effectivement grand et il y a beaucoup de monde. Je profite d’une pause-café pour faire une série de portraits. Un Australien retraité assis à la table voisine confirme ce que nous avons entendu dire ici ou là, à savoir qu’ici aussi, la météo est détraquée. Il a vécu cinq ans à Bornéo il y a quelques années et il y est revenu il y a deux ans. Avant, il pleuvait surtout de novembre à février, mais on n’est désormais plus sûr de rien.

 

 

 

Pour revenir à l’hôtel, nous traversons toute la vieille ville, ce qui nous permet de découvrir la vie très animée d’India Jalan et des rues voisines. En milieu de matinée, circuler sur les trottoirs est aussi compliqué que dans le China Town de Bangkok.

Le changement d’hôtel est vite réglé, puisque le Fata se trouve presque en face du Borneo. L’établissement n’est pas plus luxueux, mais il a le mérite d’être deux fois moins cher. De plus, nous avons vue sur le carrefour et la chambre est beaucoup plus lumineuse.

Après déjeuner, nous décidons de traîner au bord de la rivière. En passant devant le temple Hong San Si, nous constatons que c’est l’effervescence. Un dais a été installé à l’entrée et le parvis est passé au Kärcher, tandis qu’à l’intérieur plusieurs personnes sont occupées à déplacer des tables et des cartons. Un type commence à m’expliquer que l’on va commémorer l’anniversaire de la divinité du lieu. On va promener sa statue dans la ville lors de processions au cours des prochains jours.

Sur la promenade en bord de rivière, il y a pas mal de monde. On se balade en famille, entre jeunes. De la musique attire notre attention : assises sur des coussins, quatre femmes percussionnistes accompagnent un violoniste, tandis qu’une douzaine de personnes dansent sur la piste, prenant tour à tour le micro pour chanter. Toute une foule assise sur des gradins assiste à ce « bal ». Je monte tout en haut pour filmer. Un type assis là m’explique qu’il s’agit d’une musique populaire de Bornéo très répandue jusque dans les années cinquante, que l’on tente ainsi de faire découvrir aux jeunes pour la faire revivre.


Lundi 24 mars

Ce matin, nous flânons une nouvelle fois dans la vieille ville. Nous tournons un peu en rond à la recherche de la mosquée indienne. En fait, nous nous attendions à la voir de la rue, mais il faut emprunter un passage signalé par un portail dans India Jalan. On suit alors un couloir avant de trouver ladite mosquée. Construite vers le milieu du dix-neuvième siècle, elle ne présente guère d’intérêt. Je m’attarde un moment pour regarder l’imam s’adressant aux fidèles.

 

 

 

Un peu plus loin, nous tombons sur le temple sikh, bâtiment tout blanc qui se signale par ses clochers en bulbe d’oignon dorés à l’angle de deux rues. Lorsque nous pénétrons dans le hall, un Sikh nous invite à nous couvrir la tête. Justement, des voiles pour les femmes et des sortes de coiffes pour les hommes sont à disposition dans une grande boîte en plastique genre Tupperware pour géants. Ensuite, il suffit de prendre l’ascenseur pour accéder au dernier étage, là où l’on officie. La grande salle que nous y découvrons me semble bien tristounette par rapport au Temple d’Or d’Amritsar que j’ai visité en 1978.

 

 

 

Après une pause-café au restaurant d’en face, nous nous dirigeons vers le musée du Sarawak. Il est situé dans le parc tout proche – le centre historique de Kuching est très petit -, où il voisine avec plusieurs autres musées. Justement, c’est par le musée de l’Islam que nous commençons. Au départ, nous nous disons « puisqu’on est là, autant jeter un coup d’œil » et... nous y passons une heure et demie sans nous ennuyer une seconde.

 

 

 

Le musée du Sarawak et le musée d’ethnologie sont réunis dans le bâtiment voisin. On y découvre bien entendu toute l’histoire de la région depuis les temps les plus reculés, mais aussi sa faune et sa flore, des vestiges archéologiques, des maquettes, etc. À voir avant et après avoir visité le pays.

Craignant l’indigestion, nous arrêtons là pour aujourd’hui. Trop de culture tue la culture...

 

Mardi 25 mars

Nous avons loué une voiture pour le restant de la semaine. Cent ringgits par jour pour une automatique, avec kilométrage illimité, je ne m’attends pas à des miracles. De fait, on nous amène une vieille Proton Saga. Le compteur indique près de cent soixante mille kilomètres, mais comme il ne marche plus... La condamnation centrale des portes marche une fois sur deux, mais pas pour la portière côté passager. Cool. De toute façon, qui aurait envie de piquer cet engin ? Je constaterai en cours de route que les suspensions ont connu des jours meilleurs. On a l’impression de flotter au-dessus de la chaussée. Cela dit, le rapport qualité-prix est au final assez correct. La bagnole a de la reprise, des freins qui marchent bien et des essuie-glaces acceptables. Que demander de plus ?

Première halte au musée de l’artisanat. Et déception. Il y a bien des démonstrations, mais elles ont lieu des jours différents selon les activités. Aujourd’hui, c’est la vannerie et la fabrication de colliers de perles. Pour le travail du bois, il faut venir un autre jour.

 

 

 

Nous repartons donc en direction de la campagne. Premier arrêt dans un village un peu avant Bau, où nous visitons un petit temple chinois haut en couleurs. N’étaient les deux ou trois panneaux en malais ou en anglais rencontrés ici ou là, on pourrait se croire quelque part au fin fond de la campagne chinoise. Tout y est : l’architecture, le temple, la montagne au sommet noyé dans la brume à l’arrière-plan...

 

 

 

Vers midi ou une heure, nous arrivons à Fairy Caves, autrement dit, la « Grotte aux fées ». En fait, il y en a deux. La première se trouve directement au bord de la route. Ce n’est d’ailleurs pas vraiment une grotte, mais l’endroit mérite tout de même qu’on s’y arrête quelques instants. Cependant, la deuxième vaut le déplacement. Pour y accéder, on monte d’abord un escalier jusqu’à l’équivalent du cinquième ou du sixième étage d’un immeuble. C’est là que se trouve l’entrée proprement dite. Un peu angoissante, il faut bien le dire. Des marches s’enfoncent dans un trou noir de la hauteur d’un homme. Au bout de quelques mètres, on ne voit quasiment plus rien. Seul un éclairage ténu au bout de ce « couloir » indique la direction à suivre. L’escalier à gravir est très humide et il est préférable de ne pas lâcher la rambarde. Une vingtaine de mètres plus haut on débouche enfin dans une grotte ayant plus ou moins la forme d’un œuf cabossé d’une centaine de mètres de diamètre. Une grande ouverture sur l’extérieur laisse entrer suffisamment de lumière pour permettre à différentes sortes de fougères d’y pousser. De l’eau goutte d’innombrables stalactites. On se laisse surprendre de temps à autre par une chauve-souris passant tout près. Les seuls bruits qu’on entend sont ceux des gouttes d’eau tombant du plafond de la grotte. J’aimerais m’asseoir un moment pour méditer, mais je ne peux pas rester trop longtemps car Marielle m’attend en bas et doit commencer à s'inquiéter.

 

 

 

En ressortant, je tombe sur un vieux bonhomme allongé sur le banc de la plate-forme à l’entrée de la grotte. Je ne comprends pas ce qu’il me demande et, pour ne rien arranger, il est sourd comme un pot. Finalement, je me rends à l’évidence : il me tape des ronds. Pas de chance pour lui, je n’ai pas un ringgit sur moi. Il devra se contenter d’une cigarette.

Marielle me voit revenir avec soulagement. Je n’ai pas vu le temps passer et je ne l’ai pas entendue m’appeler quand j’étais dans la grotte. Elle a pris peur en entendant une sorte de râle : en fait, le bonhomme que je venais de voir avait eu une quinte de toux juste au moment où je ressortais.

Comme il n’est que trois heures, nous repartons en direction de la côte, et plus précisément de la plage de Tanjung Pelanduk, à proximité de Lundu. Jolie plage. Le temps de manger une glace, nous décidons de pousser le pied jusqu’à Semantan, le dernier village avant la frontière indonésienne. Sur la route, nous nous arrêtons au bord d’une jolie rivière pour prendre quelques photos et enregistrer les sons de la jungle, en particulier du chant des insectes, dont la diversité étonne toujours.

Le retour à Kuching s’effectue sans encombre. Par chance, le soleil de la fin d’après-midi est derrière nous et le paysage est splendide. La région est peu peuplée. Les maisons des quelques villages, ou kampungs, que nous traversons sont entourées de plantes magnifiques.


Mercredi 26 mars

Ayant dormi un peu tard, nous décidons de ne pas aller trop loin, et c’est comme ça que nous nous retrouvons aux « cascades » proches de Serian. Enfin, ça ne se passe évidemment pas aussi simplement ; la signalisation laissant à désirer, nous nous égarons à plusieurs reprises. Alors que je ralentis pour m’arrêter à un carrefour, un pneu arrière éclate. Décidément...

Il est midi. En roulant toutes vitres ouvertes, le thermomètre indiquait déjà plus de quarante degrés. Pour faire bonne mesure, il n’y a pas un centimètre carré d’ombre là où nous avons dû nous arrêter. Vu l’état général de la bagnole, je crains de ne pas trouver de roue de secours, ou une roue de secours pourrie. Par chance, le pneu est tout neuf. Par contre, ce n’est pas, mais pas du tout le cas de celui qui a crevé : il est totalement lisse et la corde est à nu sur une trentaine de centimètres !

 

 

 

Une demi-heure plus tard, j’ai changé la roue en transpirant sang et eau, et nous avons trouvé les cascades. Cascades est un bien grand mot, mais l’endroit est agréable. Il s’agit plutôt d’un torrent et d’un petit circuit de promenade en forêt. Les arbres culminent à trente mètres et on aperçoit à peine le ciel. Cependant, à la fin de notre balade, le vent se met à souffler très fort. Ne pouvant distinguer le ciel, nous ne l'avons pas vu s'obscurcir. C’est impressionnant. Des feuilles et des branches mortes tombent de tous côtés, et ce n’est guère rassurant. Quelques coups de tonnerre confirment nos craintes. Nous nous dépêchons donc de rejoindre le parking.

Les premières gouttes tombent juste au moment où nous refermons les portières. Pour rejoindre la route principale, nous devons parcourir quelques centaines de mètres dans une allée bordée de jeunes palmiers. Des feuilles et des branches ont été arrachées par le coup de vent. Au-dessus de nous le ciel est d’un noir d’encre. Lorsque nous rejoignons la quatre-voies qui conduit à Kuching, il se met à pleuvoir franchement. Des éclairs zèbrent le ciel, et devant nous c’est l’apocalypse. Au fil des kilomètres, les choses ne font qu’empirer. Cela continue sur une bonne vingtaine de kilomètres. Les derniers sont les plus spectaculaires. La pluie est vraiment très violente, on ne voit plus qu’à une cinquantaine de mètres en écarquillant bien les yeux ; le ciel est particulièrement sombre et les éclairs tombent tout autour d’une colline que nous sommes en train de contourner. Finalement, tout cesse assez rapidement et lorsque nous atteignons la grande banlieue de Kuching, la route est sèche et nous retrouvons même le soleil.

Nous filons à l’agence pour signaler les multiples problèmes rencontrés avec la voiture. Demain matin, on nous en donne une autre. Elle a intérêt à être correcte. Je vais la passer au crible, celle-là !

Ensuite, nous nous rendons dans un supermarché d’articles religieux chinois que nous avons aperçu en passant. Quand je dis supermarché, je n’exagère pas. C’est immense et on trouve absolument tout : encens, CD de musique religieuse, autels de toutes dimensions, statues et statuettes, littérature, vêtements, ex-voto, papiers de prière de toutes sortes... En remontant en voiture, nous nous rendons compte que nous avons oublié de visiter l’étage ! Tant pis, cela nous donnera l’occasion de revenir...

Pour dîner, nous essayons une adresse indiquée par le Lonely Planet. D’emblée, l’endroit nous rebute un peu : il est « trop joli ». Autrement dit, c’est le parfait piège à toutous. Effectivement, ils sont une petite dizaine à l’intérieur dans la salle authentique climatisée, assis par terre autour de tables basses authentiques à déguster d’authentiques spécialités locales en buvant de l’authentique Carlsberg en boîte. Bref, l’endroit fleure bon l’authentique pour authentiques routards en short beige et en tee-shirt blanc ou kaki chaussés de sandales. Le restau en question est dans une petite rue tranquille où on trouve principalement des boutiques d’outillage. Juste à côté, il y a juste une guesthouse « longhouse style » - ça ne s’invente pas ! Effectivement, un coup d’œil à l’intérieur révèle une salle avec des coussins par terre et une ou deux tables basses, les murs étant tapissés de feuilles de palmier. On se croirait chez des hippies chics des années soixante-dix. Pour en revenir à notre restau, le serveur nous avertit à au moins trois reprises que nous devons faire attention à nos affaires, parce qu’il y a plein de voleurs à la tire, nanani, nanana. Allons bon, voilà qu’il nous fait un plan Amérique Latine ! La troisième fois, il commence à nous gonfler avec sa parano. En plus, je ne le trouve pas particulièrement sympathique. On mange bien, certes, mais pas mieux qu’ailleurs et franchement, je préfère les food courts chinois. C’est sans doute moins authentiquement toutou BCBG, il y a des odeurs de friture, des cartons entassés dans un peu tous les coins, une télé que personne ne regarde, mais c’est vivant. Et on mange vraiment bien, dans des assiettes en authentique plastique orange, qui plus est.

 

 

 

C’est d’ailleurs dans un de ces établissements que nous allons passer un petit moment avant de faire un tour sur le bord de la rivière. C’est l’heure où on vient boire un café ou déguster une glace. Un peu plus loin, dans une partie moins éclairée face au nouveau parlement en construction, des petits couples comptent fleurette ou s’échangent des SMS.


Jeudi 27 mars

Dormi quasiment dix heures d’affilée. Le mec de l’agence doit venir avec la nouvelle voiture un peu plus tard. Comme il est encore tôt, je vais faire un tour en ville faire quelques prises de vues. Décidément, j’aime beaucoup Kuching. D’abord, la vieille ville est suffisamment grande pour qu’on puisse y séjourner plusieurs jours sans s’ennuyer. Ensuite, les gens sont d’une authentique gentillesse. À plusieurs reprises, des passants me disent bonjour et commencent à faire la causette pour le plaisir. En outre, c’est un vrai melting-pot, les différentes ethnies cohabitent très bien et ça se voit à la multitude de couples mixtes. Sur le marché, un type me propose d’épouser sa fille. À vue de nez, elle a une quinzaine d’années. Quand je lui réponds que non seulement je suis déjà marié, mais aussi trop vieux, il m’explique qu’au contraire, les jeunes filles préfèrent les hommes d’un certain âge car ils représentent le pouvoir…

Retour à l’hôtel : la petite Kancil à boîte de vitesses manuelle qu’on nous a donnée en remplacement de l’autre a un phare qui ne marche pas. Il faut attendre encore une heure pour que l’ampoule soit remplacée. Vers onze heures, nous partons en direction de la côte nord. Finalement, les réflexes acquis il y a trois ans avec la boîte de vitesses manuelle sont toujours là. De plus, la voiture est récente et en bon état.

 

 

 

Nous décidons de faire un tour du côté de Santubong. Jolie route tout le long du parcours, des acacias formant une arche protégeant du soleil. Arrêt à Santubong et dans un ou deux kampungs des environs pour prendre des photos. Lors d’un arrêt toilettes dans un de ces villages, nous entendons ce que nous prenons d’abord pour des élèves en train d’ânonner. Je fais le tour du bâtiment pour découvrir une sorte d’entrepôt où traînent quelques sacs de ciment. Une femme descend d’un escalier sur le côté et me dit que je peux monter voir. Finalement, elle m’accompagne jusqu’à l’étage et me fait signe que je peux filmer. Une trentaine de femmes du village sont assises en rond par terre autour d’un imam. Il lit des sourates du Coran qu’elles répètent alors en cœur. Pour s’aider, elles en ont toutes un exemplaire où elles s’efforcent de suivre. Évidemment, c’est imprimé en arabe et ici, personne ne lit ni ne parle cette langue. Ça me rappelle la messe en latin... En tout cas, personne ne fait attention à moi et je suis un peu stupéfait qu’on me laisse filmer sans faire d’histoires – mieux, qu’on m’ait même invité.

 

 

 

 

 

 

 

Nous tournons un peu en rond avant de revenir vers Kuching. Nous nous arrêtons au musée du chat. Il se trouve dans la mairie de Kuching Nord, abritée par un bâtiment conique moderne construit au sommet d’une colline boisée. Quant au musée, nous allons le voir un peu par acquit de conscience, Kuching étant la ville des chats. En malais, chat s’écrit en effet « kucing » (prononcer « koutching »). Nous nous attendons à trouver une salle ou deux avec tout juste une poignée d’objets sans grand intérêt. En fait, on y trouve une incroyable collection de photos, d’affiches, de statues, de livres offerts par des donateurs du monde entier, bref, tout ce qu’on a toujours voulu savoir sur le chat sans jamais oser le demander.


Vendredi 28 mars

Jusqu’ici, ce séjour à Bornéo a été plutôt frustrant. Au Sabah, problème de voiture le jour où il ne pleuvait pas et pluie, souvent torrentielle, le reste du temps. Au Sarawak, nous sommes restés bloqués bêtement à Kuching pour la semaine parce qu’on nous a dit que la fête chinoise commençait le mercredi alors qu’elle avait lieu uniquement le samedi.

 

 

 

Ce matin, donc, direction le parc national de Bako, qui ne se trouve qu’à une trentaine de kilomètres. Pour nous qui habitons en Sologne, l’idée de visiter un parc national est un peu ridicule. Pas besoin de visiter un parc national pour regarder la nature. Il suffit d’emprunter n’importe quelle petite route ou piste à la sortie d’un village pour être dans la forêt. Encore un attrape-nigaud pour citadins. La journée commence mal : il fait très nuageux et nous ne savons pas si le temps va s’éclaircir ou non. Il tombe encore quelques gouttes lorsque nous arrivons sur place. Nous nous arrêtons boire un café et peu après, le soleil revient. Après avoir hésité, je vais me renseigner sur les tarifs. Bonne surprise : dix ringgits par personne l’entrée. Mauvaise surprise : il faut ajouter quatre-vingt-quatorze ringgits pour l’aller et retour en bateau jusqu’à l’entrée du parc proprement dite. Bon, on va faire avec.

De retour au guichet, on me demande si j’ai l’intention de filmer avec mon caméscope. Bien sûr que non : je suis venu faire un tennis, comme dirait Bigard. On m’explique alors que ça coûte trois cents ringgits. L’important n’est pas que je filme ou non, mais de savoir si j’en ai l’ « intention » !!! J’ai déjà entendu pas mal d’âneries, mais celle-là, je ne la connaissais pas.

Eh bien voilà une belle économie de faite. Sur le coup, je fulmine. Pas tant de ne pas pouvoir visiter le parc national qu’à cause de la bêtise crasse des guichetiers. On a le droit de prendre des photos, mais pas de filmer. De toute évidence, ils ne savent pas que les trois quarts des toutous qui viennent ici ont un appareil numérique, voire un téléphone portable qui fait aussi de la vidéo. Il est vrai qu’à cette époque, les smartphones sont encore une rareté.

Pas grave, nous en profitons pour aller visiter le temple de Muara Tebas. Pour le coup, je suis bien content de n’être pas allé à Bako. Ce temple dominant le village et la rivière est une splendeur. Nous y passons d’ailleurs une bonne heure à le photographier sous toutes les coutures. C’est un des plus beaux que nous ayons vus en Malaisie.

 

 

 

 

 

Nous repartons alors en direction de Kuching avant d'obliquer vers le sud-est en direction de Sri Aman. C’est à presque deux cents kilomètres. La grande banlieue de Kuching s’éloigne peu à peu et l’autoroute longe la chaîne montagneuse de l’autre côté de la frontière. Passé Serian, le paysage est plus sauvage et la circulation moins dense. Nous nous arrêtons un moment à une longhouse plus authentique que celles où on héberge les toutous : murs en planches et toits en tôle ondulée. Une femme est en train de tamiser du riz sous l’œil attentif d’un petit chien. Un peu plus loin, du poivre sèche sur une bâche.

 

 

 

C’est avec une petite appréhension que nous parcourons les derniers kilomètres avant Sri Aman, la jauge baisse en effet dangereusement. Ici, c’est un peu comme dans le Nordeste brésilien : quand on trouve une station-service, on fait le plein sans se poser de questions, car on ne sait jamais où sera la suivante.

 

 

 

 

 

À Sri Aman, nous nous arrêtons sur une petite place le temps de boire un café. Il y a pas mal d’animation. Comme c’est vendredi, des dizaines de stands sont en place pour accueillir les familles venant se restaurer après la prière du soir.

Sur la route du retour, la météo remet ses menaces à exécution, mais cette fois nous avons des essuie-glaces dignes de ce nom et des phares qui marchent. D’ailleurs, il ne pleut pas très fort et seulement par intermittence. Lorsque nous arrivons à Kuching, il n’a apparemment pas plu et il fait même presque beau.

En allant dîner, nous passons devant le Hong San Si. Il y règne une grande activité. Les fidèles sont de plus en plus nombreux. En face, sous le chapiteau érigé pour la durée des festivités, on donne une pièce de théâtre traditionnel. Renseignements pris, ça doit durer jusque vers onze heures. Allez, on file au restau puis à l’hôtel chercher le matos. De retour sur place, nous tombons sur le dénommé Sonny, sans doute l’un des membres du conseil d’administration du temple, qui nous a pris sous son aile lors des visites précédentes. Après quelques prises de vues, il nous conduit en coulisses. Entre deux scènes, les acteurs viennent changer de costume.  Nous sommes un peu intimidés sur le coup, mais l’ambiance est très décontractée et joviale.

De retour dans la salle, nous restons un moment à assister à la pièce. Bien que ne comprenant pas un mot de ce qui se dit, nous sommes fascinés par le jeu des acteurs. Au cours d’une scène émouvante, les deux actrices parviennent même à tirer une larme du public.


Samedi 29 mars

Dernier jour à Kuching. C’est aujourd’hui qu’a lieu la fête pour laquelle nous sommes restés ici. Après être passés au temple pour voir comment les choses se présentaient et filmer quelques séquences, nous retournons au Six Eight Eight, le supermarché de la bondieuserie bouddhique, pour faire quelques achats.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le défilé doit commencer à seize heures trente. Renseignements pris, c’est du balcon de notre chambre que nous aurons la meilleure vue. Appareils photo prêts, caméscope prêt, café prêt, nous passons alors trois heures à photographier et filmer les divers chars et groupes qui passent au carrefour. Cela nous semble bien mal organisé. Si la voie qui remonte du temple est fermée à la circulation, ce n’est pas le cas des autres avenues. Un ou deux jeunes militaires essaient de mettre de l’ordre dans tout ça, mais on a l’impression que c’est plutôt pire qu’avant. À un moment donné, les flics prennent la relève avant de s’en remettre une nouvelle fois aux militaires. Et ça dure comme ça jusqu’à la tombée de la nuit.

 

 

 

Nous redescendons alors vers l’autre temple, le Tua Pek Kong, qui jouxte l’hôtel Harbour View. Juste au bon moment. En fait, le cortège était allé se former quelques rues plus loin. Il défile maintenant lentement au pied du temple et sur l’avenue qui longe la rivière, jusqu’au marché aux poissons. Ensuite, il revient au temple de départ par la rue Gambier et la rue Carpenter. La nuit est tombée. Il pleut un petit peu, mais ce n’est pas gênant pour les festivités. Nous sommes surpris de ne voir quasiment aucun touriste dans la foule. Les amateurs d’authenticité vus dans le restau authentique de l’autre soir ne semblent guère intéressés.

Le défilé prend fin devant l’entrée du temple. Chaque troupe fait une démonstration de sa spécialité. Les percussionnistes et les joueurs de cymbales remportent un franc succès malgré la pluie qui fait son grand retour.


Dimanche 30 mars

Comme nous ne prenons l’avion pour Kuala Lumpur que cet après-midi, nous avons le temps de faire un tour du côté de Damai. Nous nous arrêtons au pied de la montagne à un petit restau d’où partent deux circuits dans la forêt. Le cadre est magnifique. Après un déjeuner de jeunes pousses de fougères et de nouilles, nous empruntons le sentier à l’arrière de l’établissement pour faire la promenade « courte ». Le circuit long conduit au sommet, mais nécessite une journée entière et d’emporter à boire et à manger.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Très vite, le sentier se rétrécit. Nous marchons la plupart du temps sur un invraisemblable entrelacs de racines. Tout baigne dans la lumière verdâtre un peu irréelle de la jungle. Il y a aussi pas mal de papillons de toutes les couleurs et de toutes tailles. Sur une racine qui traverse le sentier, Marielle repère une colonie de petites fourmis rouges transportant apparemment des œufs. À proximité du ruisseau, des demoiselles d’un mauve presque fluorescent traversent un faisceau de lumière entre les arbres. Pour un peu, on se croirait au pays des elfes.

Nous devons toutefois abréger notre balade. Il fait très chaud et, en fait de promenade, le « petit » circuit est beaucoup plus escarpé que prévu et Marielle commence à se sentir mal. Elle a un coup de chaud et il est plus sage de redescendre. Nous avons encore tout le temps de rejoindre l’aéroport, mais ce n’est pas non plus le moment d’avoir un malaise.

Finalement, le trajet jusqu’à l’aéroport s’effectue sans encombre. Quant au vol jusqu’à Kuala Lumpur, ce n’est qu’une formalité.

Nous atterrissons vers dix-neuf heures et il ne fait pas encore nuit. En haut de la passerelle, un vent presque frais nous saisit : de toute évidence, il a plu et la température est retombée. Après la touffeur de Bornéo, on a presque l’impression de débarquer en Europe.

Trois-quarts d’heure de taxi plus tard, nous sommes à l’hôtel Malaya, au cœur de Chinatown. Nous avons déjà séjourné dans cet établissement, qui présente l’avantage d’être bien situé et connu des taxis.

 

 

 

Après la douche, nous sortons faire un tour dans la rue. On y trouve tout ce que nous détestons, à savoir des dizaines de stands où on ne vend que des contrefaçons. En plus, on se fait constamment harceler par les vendeurs, qui tiennent absolument à nous vendre des montres, des copies de sacs Vuitton ou YSL, ou encore des VCD avec les derniers films sortis. Heureusement, on y trouve aussi des food courts où on mange très bien pour quatre ou cinq ringgits, soit moins d'un euro. Les toutous blancs, principalement des Australiens, sont assis en terrasse à boire de la bière. Nous préférons nous installer à l’intérieur sous les ventilateurs pour déguster un plat de kueh teow mee, autrement dit des nouilles de riz plates. La serveuse nous demande de quel pays nous venons et si par hasard nous n’aurions pas un billet de cinq ou de dix « pour sa collection ». Il y a longtemps qu'on ne nous l'avait pas faite, celle-là.


Lundi 31 mars

Ça caille ! Pas dehors, mais dans la chambre. La clim’ déconne. Décidément, cela aura été la plaie tout au long de ce voyage. Partout où il y en a, elle est mal réglée et nous ne parvenons pas à nous débarrasser du rhume attrapé lors de l’averse de Penang. En plus, au Malaya elle est centralisée et le thermostat de la chambre, complètement inopérant, ne semble avoir qu’une fonction décorative.

 

 

 

Ce matin nous allons à Batu Caves. Lors de notre dernière visite en décembre 2005, la grande statue de Shiva au pied de l’escalier n’était pas terminée. Pour quatre-vingts ringgits, environ cinq euros, un taxi nous conduit là-bas et nous attend une heure sur place avant de nous ramener.

 

 

 

 

 

En arrivant, cette gigantesque statue dorée est la première chose qui saute aux yeux. Elle est effectivement impressionnante. Nous constatons pas mal de changements depuis la dernière fois, à commencer par le temple en cours d’achèvement à une centaine de mètres à gauche de l’escalier et la statue de Hanuman, le dieu-singe. Ne disposant que de peu de temps, nous n’allons pas jusqu’au fond des grottes et nous ne visitons pas non plus la nouvelle grotte, la « Dark Cave ». Tant pis. Et puis il faut bien en laisser un peu pour la prochaine fois.

 

 

 

 

 

 

 

L’après-midi, nous prenons le monorail jusqu’à Titiwangsa, histoire de voir à quoi ça ressemble. Le monorail, pas Titiwangsa, n’est que le terminus. Je m’attendais à un truc sur coussin d’air évoluant en souplesse. En fait c’est une simple micheline électrique roulant sur une poutre en béton, et ça cahote pas mal. Au moins, nous ne mourrons pas idiots. Au retour, nous nous arrêtons aux tours Petronas pour prendre quelques photos.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Après dîner, nous allons prendre quelques photos de nuit de Masjid Jamek, la Mosquée du vendredi, et de la place Merdeka. C’est là que nous tombons sur la curieuse sculpture que j’avais photographiée en 2000 lors d’une escale d’une journée à KL en allant en Australie. En 2005, impossible de retrouver cette sculpture représentant des plantes carnivores géantes. Je suis rassuré de la retrouver.

 

 

 

 

 

 

 

Nous avions prévu de nous lever tôt pour aller aux tours Petronas chercher des billets pour la visite. Ils sont distribués gratuitement à partir de neuf heures du matin, mais comme ils sont en nombre limité, il faut être sur place le plus tôt possible. Finalement, nous renonçons à l’idée. Il doit y avoir une file d’attente considérable et on n’a même pas la certitude d’en obtenir. Et puis les tours, c’est surtout de l’extérieur qu’elles sont belles.

De retour à l’hôtel, je demande si quelqu’un peut venir voir ce qui se passe avec le thermostat de la climatisation. On me dit qu’un technicien va passer incessamment. Nous sommes déjà couchés quand deux agents de maintenance frappent à la porte. Tant pis, nous passerons une deuxième nuit au frigo…


Mardi 1er avril

Rien de bien précis au programme aujourd’hui, si ce n’est d’aller aux tours Petronas ce soir pour prendre des photos au coucher du soleil. Aussi, nous nous contentons d’aller visiter le temple chinois aperçu hier depuis le monorail, tout près de Chinatown. Construit il y a plus d’un siècle, il va bientôt être rénové. La céramique verte des murs extérieurs le distingue de la plupart des autres temples chinois que nous avons vus, où le rouge prédomine. Ces murs sont ornés de toute une série de cartouches avec des sculptures, également en céramique, remarquables de finesse

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De là, il n’y a qu’une rue à traverser pour visiter le petit temple voisin, lui aussi très joli. Difficile d’imaginer qu’il y a un siècle, tous deux étaient isolés sur une butte à l’écart du centre-ville : aujourd’hui, le monorail passe à dix mètres !

 

 

 

 

 

Avant d’aller déjeuner, je m’installe à la sortie d’un supermarché pour faire une galerie de portraits dans la rue. Ceux que j’ai réalisés lors de nos précédents séjours ne sont pas très bons à cause du zoom médiocre dont je disposais à l’époque. À Kuching, les gens y ont un physique qui reflète bien la différence d’intégration. Bornéo est un en effet vrai melting-pot, et on a souvent du mal à identifier les origines ethniques. Ici à Kuala Lumpur, c’est beaucoup plus tranché.

Après déjeuner, nous retournons à l’hôtel pour nous reposer un peu. J’en profite pour rédiger mon journal de bord. Il éclate alors un gros orage. De notre fenêtre au neuvième étage, nous sommes bien placés pour y assister. Quelque part, je suis rassuré : comme nous retournons aux tours Petronas ce soir, je craignais justement qu’il ne se mette à pleuvoir à ce moment-là. Il vaut donc mieux que cela se produise maintenant. Comme toujours sous les tropiques, c’est assez spectaculaire. Les rues se vident de leurs passants en quelques minutes. Peu à peu, les immeubles situés à quelques centaines de mètres disparaissent derrière un rideau de pluie. Puis c’est le tour des immeubles plus proches.

 

 

 

Au bout d’une petite heure, l’orage s’éloigne enfin et nous décidons de sortir. Le ciel se dégage du côté des tours et nous ne devrions essuyer que quelques gouttes.

 

 

 

Sur place, nous devons demander notre chemin à plusieurs reprises pour trouver les jardins de KLCC (Kuala Lumpur City Centre). En fait, c’est tout bête, il suffit de traverser le centre commercial qui se trouve au pied de la tour numéro deux. Ce complexe n’a vraiment aucun intérêt. On n’y trouve que des boutiques de luxe pour la jet-set. En revanche, les articles de marque sont authentiques. Les prix aussi, sans doute. Apparemment, tous les Blancs de Kuala Lumpur qui snobent Chinatown sont là. Ce ne sont pas vraiment les mêmes… ceux-ci ont remisé les tongs et les dreadlocks dans leur valise de marque au Hilton.

Il pleuviote encore un peu, mais le ciel se dégage petit à petit. En fait, nous sommes arrivés trop tôt et nous avons deux heures à tuer avant la tombée de la nuit. Nous en profitons pour explorer le parc. Il en vaut d’ailleurs la peine. Bien qu’entièrement artificiel, la végétation y est splendide. Nous nous arrêtons un moment sous un kiosque pour goûter le calme… on ne peut plus relatif de l’endroit : au loin résonnent des bruits de chantier sur fond de grondement de la circulation des avenues voisines.

Nous allons boire un café dans la galerie souterraine d’Aquaria. L’endroit n’est pas particulièrement plaisant : c’est très sonore et, comme de bien entendu, la clim’ est à fond et il fait presque froid.

 

 

 

 

 

 

 

Je profite de ce qu’il reste un peu de temps pour visiter la jolie mosquée Asy-Siakrin qui se dresse à l’autre bout du parc. Le ciel s’obscurcit petit à petit à mesure que nous nous rapprochons du bassin à l’arrière des tours. C’est l’heure où tout le monde regarde les jets d’eau. Le muezzin appelle à la prière. L’instant est magique. C’est aussi le rendez-vous des photographes. Je me demande combien de photos sont prises ici chaque jour…

Il est vrai que ces tours, déjà spectaculaires dans la journée, donnent le soir l’impression d’être en cristal. Cela fait d’ailleurs ressortir leur caractère oriental.

 

 

 

 

 

 

 

De retour du côté de l’entrée, nous nous amusons à photographier les touristes photographiant les tours. Un couple de jeunes Anglais se concerte un moment avant de venir nous demander de les prendre en photo en haut de l’escalier.

Allez, ça suffit. On a suffisamment de photos comme ça...


Mercredi 2 avril

C’est le jour du départ. En regardant par la fenêtre, j’ai un pincement au cœur : même si ce voyage a été plutôt frustrant à cause des différents contretemps, problèmes de bagnole, de météo, etc., je n’ai absolument pas envie de partir. D’habitude, je suis aussi content d’arriver dans le pays visité que d’en repartir, mais cette fois c’est différent. Je n’ai absolument aucune envie de repartir d’Asie.

 

 

 

Enfin, je n’ai guère le temps de m’abandonner à mes états d’âme. Nous allons chercher un taxi dans la rue. Il nous donne rendez-vous devant l’hôtel un quart d’heure plus tard. Il arrive au bout de cinq minutes et nous conduit à l’aéroport LCC pour quatre-vingts ringgits, alors que le taxi de l’hôtel demande cent dix pour la même course. C’est de là que partent les avions d’Air Asia, et non de KLIA, l'aéroport international. Nous empruntons la nouvelle autoroute inaugurée le 17 décembre dernier. Elle passe juste à côté du circuit de Formule 1 de Sepang. La signalisation, comme toujours en Malaisie, laisse à désirer et je note au passage qu’il faut suivre la direction de Dengkil. L’aéroport proprement dit n’est indiqué à aucun moment sur les soixante-quinze kilomètres du trajet. J’en prends bonne note, car la dernière fois, nous nous sommes perdus en sortant de KL. Je crois que nous sommes repassés cinq ou six fois au même poste de péage !

Nous décollons avec vingt minutes de retard, mais nous arrivons finalement à Bangkok avec quelques minutes d’avance. De toute manière, nous avons quelques heures devant nous avant de prendre le vol Etihad pour Abu Dhabi. Nous commençons par récupérer la valise laissée à la consigne avant de partir à Penang. 1650 bahts pour 17 jours, environ € 35. Une misère.

Une fois l’enregistrement effectué, nous passons la douane et nous rendons dans la zone d’embarquement. Là, nous pestons un peu. Il faut passer les bagages pour la énième fois au scanner puis attendre jusqu’à l’ouverture de la salle d’attente proprement dite, trois quarts d’heure avant l’embarquement. Logique curieuse. Et pas de chance, s’il y a des salles fumeurs dans les zones de débarquement, il n’y en a pas ici. J’ai été bien inspiré d’emporter des Nicorettes…

L’avion décolle vers neuf heures du soir. À minuit, heure locale, nous sommes à Abu Dhabi pour une petite heure, avant de repartir pour la France.

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